Vendredi 17 octobre 2014, 14h30
Salle de conférence 2B Research Center on Humanities and Social Sciences, (人文社會科學研究中心, bâtiment 31 sur la carte), Academia Sinica
Sylvie Ragueneau
Docteur en Etudes Urbaines de l’EHESS Enseignante-chercheur à l’Université de Fujen (Taipei)
La léproserie de Lesheng 樂生療養院 se présente comme un village au milieu d’un terrain arboré. Il a été initialement aménagé en 1930, au moment de l’administration de l’île par les Japonais, pour isoler les lépreux du reste de la société. La mise au point des médicaments permettant de stopper, puis de guérir la maladie, s’est faite en trois étapes entre 1940 et 1981. Le traitement systématique des malades taïwanais a commencé en 1982. On considère aujourd’hui que la maladie a été quasiment éradiquée du territoire de Taiwan. Pourtant en 2004, plus de 300 personnes vivaient encore dans la soixantaine de maisons et petits bâtiments que comportait le village. Au début des années 2000 deux nouveaux projets vont bouleverser la vie des résidents : l’extension de la ligne de métro accompagnée de la construction d’un dépôt à proximité, et en partie sur le terrain qu’ils occupent, et la construction d’un nouvel hôpital de 8 étages destiné à les accueillir au moment des travaux, permettant ainsi la récupération du terrain pour un aménagement d’ensemble. Les travaux de construction de la ligne de métro commencèrent en 2002 et le nouvel hôpital fut ouvert en 2005, date à laquelle les résidents furent invités à l’intégrer et donc à quitter le village. Ce fut une sorte d’électrochoc. Sur les 300 personnes concernées, une centaine refusa de partir et sut toucher l’opinion publique. La mobilisation qui suivit dépassa même les frontières du pays et provoqua une prise de conscience non seulement au regard des aspects humains de cette question (la cause des résidents devenant une cause humanitaire), mais aussi concernant la dimension patrimoniale de ce lieu de mémoire, témoin de toute une histoire et d’une architecture à caractère exemplaire. Nous verrons au cours de ce séminaire comment les différents enjeux de ce projet ont peu à peu émergé et comment se pose aujourd’hui, au-delà de la question sociale, la question urbanistique, englobant un aspect mémoriel et patrimonial.
Les racines de Losheng. Gravure d’Ivan Gros 2011