La liminalité géopolitique de Taiwan :
un outil théorique pour analyser la proximité et la distance
Stéphane Corcuff, directeur du CEFC Taipei (dans le cadre de l’UNIFA)
(en français avec traduction simultanée en chinois)
Les relations entre les deux rives du détroit de Taiwan sont toujours analysées dans les disciplines respectives de ceux qui les scrutent : géostratégie, échanges économiques, religieux ou populaires, économie du tourisme, dialogue entre les deux Etats, etc. Mais on peine à trouver des études qui, croisant histoire et actualité, développement historique des perceptions croisées et stratégies contemporaines de l’un face à l’autre, dimensions ethniques, culturelles, politiques et économiques, analyse ce qu’est la nature profonde de cette relation complexe. Taiwan est en effet ni totalement dedans, ni totalement dehors de l’ensemble chinois continental. Mieux, l’île n’est pas qu’une localité : elle est à cheval entre nations et cultures, dotée qui plus est d’une profonde mémoire de son voisin, démesurément plus grand et plus puissant. Ainsi, la petite entité conserve une forme de pouvoir face à la grande, pouvoir ou relation dont la nature est complexe, et où se mêlent identité et différence, proximité et distance, soft power et hard power ; ce pouvoir, inexplicable dans les théories disponibles des relations internationales et de la géopolitique, peut être le prélude à l’analyse d’un phénomène qui reste à étudier : la liminalité géopolitique d’un petit au voisinage d’un grand, qui opère une dissuasion complexe du faible au fort. Le cas taïwanais n’est pas nécessairement généralisable, mais la montée en théorie n’est pas inutile pour mieux comprendre la géopolitique globale aujourd’hui.